Dès le début des rencontres organisées par Communication Sans Frontières en décembre 2017, Fabrice Epelboin, cofondateur de Yogosha, plateforme de « Bug Bounty », pose la question : « Allons-nous réussir à sortir du cliché du hackeur cybercriminel à capuche ? »
Les récentes initiatives de hackeurs devraient leur permettre de passer d’une image négative de « Black Hat » à une image plus positive de « White Hat ». D’individus aux intentions criminelles, agissant seuls pour leur propre compte, nous serions passés à de puissants réseaux de hackeurs fédérés pour défendre l’intérêt général sur le cyberespace.
C’est ce qui motive les initiatives des lanceurs d’alerte : sortir au grand jour les dossiers secrets, auparavant sous le contrôle des États, des armées, des services de renseignements, etc., avec la conviction que « toute vérité est bonne à dire et donc à être publiée ». Julian Assange, ancien hackeur, a lancé WikiLeaks dans cette optique et a publié à l’échelle internationale des documents confidentiels, donnant ainsi une large audience à des lanceurs d’alerte tout en protégeant leurs sources.
Pendant le Printemps arabe, sous l’étendard de la liberté des peuples, Telecomix, un groupe d’hacktivistes, a pris part aux soulèvements. Que ce soit en Tunisie, en Égypte ou en Syrie, ils ont apporté leur soutien aux insurgés, déjà très actifs sur les blogs et les réseaux sociaux, en leur enseignant comment échapper à la surveillance des autorités. Julie Gommes, ancienne hackeuse aujourd’hui employée par une société de cybersécurité, était à l’époque journaliste en Syrie. Elle s’est appuyée sur ce collectif pour travailler en toute sécurité et pénétrer le « Hackerspace ».
S’appuyant sur une maîtrise totale du « Dark Web », ces mouvements hacktivistes semblent avoir pris une longueur d’avance sur les ONG. Ils ont pris conscience des nouveaux enjeux de sécurité et de défense des libertés dans ce nouvel espace, terrain de jeu des seuls experts, codeurs et hackeurs. « Code Is Law », article publié en 2000 par Lawrence Lessig, juriste américain et professeur de droit à l’université d’Harvard, est donc plus que jamais d’actualité : en l’absence de tout contrôle, le code donne un pouvoir immense à ceux qui le maîtrisent. Le code fait loi.
Existe-t-il des lois régissant ce nouvel espace ? Les hackeurs obéissent-ils aux valeurs de vérité et de liberté qu’ils défendent ? L’anonymat, la désobéissance, la transgression et la décentralisation définissent le mode de fonctionnement de la culture « hacker » et règlementent ce monde informel, bien loin des contraintes imposées par le droit commun.