Face à des ONG de plus en plus institutionnalisées, aux discours très formatés, le public a du mal à trouver sa place. Considérées comme plus pragmatiques et transparentes que les partis politiques, portées par la participation et l’enthousiasme des activistes et des adhérents, les ONG se voient investies d’une nouvelle responsabilité militante. Leur décollage grâce à l’afflux de financements a accompagné le retrait de l’État. Elles ont été amenées à reprendre à leur charge une partie des missions de service public : aide au développement, lutte contre l’exclusion, solidarité avec les migrants, protection de l’environnement, lutte contre le réchauffement climatique…
Selon l’analyse du chercheur en sciences politiques Adrien Thomas, l’afflux de fonds publics a provoqué une institutionnalisation et une professionnalisation rapide du secteur des ONG.
L’engagement militant des bénévoles a été progressivement remplacé par le travail salarié des permanents, tendance encouragée par les bailleurs publics comme privés, ceux-ci réclamant une traçabilité et une bonne gestion des fonds investis. Un article publié sur Grotius International par Alain Dontaine, professeur en géopolitique et en sciences sociales, décortique ce double processus à l’œuvre chez les acteurs de l’humanitaire. Ceux-ci sont désormais partenaires des pouvoirs politiques.
L’enthousiasme militant, dû entre autres à l’implication des bénévoles, s’estompe. Ce militantisme des débuts, à l’engagement désintéressé, risque de disparaître. La relation avec les adhérents se distend, et les ONG, perdant cet ancrage dans la société, finissent par n’exister que dans la sphère institutionnelle et médiatique. Certaines, conscientes du danger, cherchent depuis quelques années à retrouver leurs racines en construisant des alliances avec les mouvements sociaux (par exemple, lors des contre-sommets altermondialistes).
Ainsi, aux Rencontres de la communication solidaire de décembre dernier, Jean-François Riffaud, directeur de la communication à Action contre la faim, observait une tendance croissante : « Les ONG sont perçues comme des institutions qui ne défendent que des intérêts personnels […]. Les réseaux sociaux doivent être la clé si on veut se désinstitutionnaliser. L’une des solutions serait sans doute de donner la parole à ceux qui ont le plus d’influence et d’intégrer les bénéficiaires à l’expression des combats des ONG en utilisant les réseaux sociaux. »
Par ailleurs, comme le soulignait le directeur général de Surfrider Foundation Europe, Stéphane Latxague, « le travail avec les influenceurs est envisageable pour être au plus proche de l’engagement citoyen ; cela pourrait être un autre relais ».
ONG superpuissantes, un modèle à revisiter ? Faut-il en revenir aux fondamentaux ?